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Arménie–Japon : 33 ans de partenariat fondé sur des valeurs communes

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Arménie–Japon : 33 ans de partenariat fondé sur des valeurs communes

L’Arménie et le Japon célèbrent cette année le 33e anniversaire de l’établissement de leurs relations diplomatiques.
Les liens bilatéraux se développent dans les domaines politique, économique, culturel et éducatif.

Selon « Armenpress », un expert du Centre Orbeli a mené un entretien avec S.E. M. Aoki Yutaka, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Japon en Arménie.
L’interview a porté sur le niveau actuel des relations bilatérales, la politique du Japon dans le Caucase du Sud, la perception politique et publique de l’Arménie et du peuple arménien au Japon, ainsi que sur les perspectives de coopération future.

– Votre Excellence, comment évaluez-vous le niveau actuel des relations entre l’Arménie et le Japon, compte tenu des récentes visites de haut niveau, notamment celles du Secrétaire du Conseil de sécurité d’Arménie, du Vice-président de l’Assemblée nationale, des anciens présidents en visite au Japon, ainsi que la visite en 2018 du ministre japonais des Affaires étrangères en Arménie ? Quel impact ces échanges ont-ils eu sur le renforcement des relations bilatérales ?

– Les relations entre le Japon et l’Arménie sont actuellement en phase de développement.
Le Japon apprécie les efforts déployés par l’Arménie pour consolider la démocratie et la transparence. Nous comprenons et soutenons pleinement l’orientation choisie par l’Arménie, et souhaitons sincèrement soutenir tant le gouvernement arménien que son peuple.

Ce qui importe avant tout, c’est que nos deux pays partagent des valeurs fondamentales telles que la démocratie, la primauté du droit et la protection des droits de l’homme.
Aujourd’hui, alors que certains pays autoritaires ignorent les normes et règles internationales, cet engagement commun revêt une importance particulière. Dans ce contexte, la solidarité entre pays partageant les mêmes valeurs, comme le Japon et l’Arménie, est essentielle.

Le Japon est déterminé à approfondir la coopération bilatérale, et les visites de haut niveau jouent un rôle important dans le renforcement des relations.
Par exemple, la semaine dernière, le vice-président de l’Assemblée nationale d’Arménie s’est rendu au Japon, où il a participé à l’Exposition universelle « Expo 2025, Osaka » et a tenu des réunions avec de hauts responsables japonais.

Vous avez également mentionné la visite du secrétaire du Conseil de sécurité d’Arménie au Japon, qui, si je ne me trompe pas, a eu lieu en septembre dernier.
Il a rencontré des personnalités importantes, y compris son homologue, le secrétaire général du secrétariat de la sécurité nationale du Japon.
Il s’agissait d’une visite très réussie, marquée par plusieurs rencontres de hautniveau.
Ce type de dialogue est essentiel pour une meilleure compréhension mutuelle.

En même temps, nous espérons qu’une visite officielle de haut niveau depuis l’Arménie au Japon aura lieu cette année dans le cadre de l’Expo 2025, Osaka, qui se tiendra d’avril à octobre.

-Quelle est l’importance des relations avec l’Arménie dans le cadre de la politique japonaise à l’égard du Caucase du Sud ? Quels défis et opportunités le Japon perçoit-il dans la région, et quels sont ses intérêts stratégiques ?

– Permettez-moi d’abord d’expliquer brièvement comment le Japon perçoit, en général, les trois pays du Caucase du Sud. Je pense que cela peut aider à mieux comprendre mes commentaires.

D’un point de vue géopolitique, l’Arménie est entourée de trois grandes puissances : la Russie, l’Iran et la Turquie.
Le Japon comprend que ces pays ont un passé historique très complexe.
Dans ce contexte, nous considérons comme réaliste et compréhensible la décision de l’Arménie de s’affirmer en tant qu’État indépendant après l’effondrement de l’URSS en 1991, ainsi que ses efforts visant à réduire sa dépendance à l’égard de la Russie en matière de sécurité.

En 2018, le peuple arménien a mené ce que l’on appelle la révolution de velours.
Depuis lors, le nouveau gouvernement œuvre pour faire de l’Arménie un État plus démocratique et plus transparent.
À la suite des conflits du Haut-Karabakh de 2020 et 2023, l’Arménie cherche également à diversifier ses partenariats sécuritaires et à se tourner vers de nouveaux partenaires.
C’est ainsi que nous comprenons la situation actuelle.

Nous sommes également conscients que l’Arménie traverse actuellement une période charnière de son histoire, tout en faisant face à de multiples défis graves.

Dans ce contexte, le Japon, à l’instar de nombreux pays occidentaux, renforce son soutien à l’Arménie, en particulier à ceux qui ont été déplacés du Haut-Karabakh.
Par exemple, en 2023, dans le cadre de sa première phase d’aide humanitaire, le Japon a alloué un million de dollars américains au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et au Comité international de la Croix-Rouge, afin de répondre aux besoins prioritaires des réfugiés, tels que l’hébergement et la nourriture.

Actuellement, dans le cadre d’une deuxième phase, le Japon travaille en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sur un projet d’une valeur d’environ 3 millions de dollars américains, visant à développer les infrastructures sociales, tant pour les réfugiés que pour les communautés hôtes.

– Comment évaluez-vous le niveau actuel des relations économiques entre l’Arménie et le Japon ? Pourriez-vous identifier quelques secteurs clés de la coopération économique ?

– Il faut d’abord noter que l’importante distance géographique entre l’Arménie et le Japon crée certaines limites dans le développement de leurs relations économiques. Le Japon est membre de la coopération économique Asie-Pacifique (APEC) et ses principaux partenaires commerciaux sont la Chine, les États-Unis, l’Australie, la Corée du Sud et les pays de l’ASEAN, qui représentent ensemble environ 65 % de son commerce extérieur, tandis que les pays de l’Union européenne ne comptent que pour environ 10 %.

Cela étant dit, je tiens à souligner que le Japon soutient l’initiative du Premier ministre arménien intitulée "Carrefour de la paix". Du point de vue japonais, l’un des principaux avantages géostratégiques de l’Arménie est sa position stratégique à la croisée de l’Asie et de l’Europe.

Cela prend une importance particulière aujourd’hui, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, à la suite de laquelle le Japon a imposé des sanctions économiques à la Russie. Par conséquent, nous ne pouvons plus utiliser le territoire russe pour certaines routes de transport.

De même, les risques sécuritaires autour du canal de Suez et de la mer Rouge ont également affecté les routes maritimes traditionnelles. Tout cela donne une importance croissante au "Corridor du Milieu", ou corridor Est-Ouest.

Par exemple, il y a quelques mois seulement, des pièces détachées de Toyota ont été envoyées du Japon vers une nouvelle usine en Turquie via une route de transit passant par la Chine, la mer Caspienne, l’Azerbaïdjan et la Géorgie.

Si la frontière entre l’Arménie et la Turquie s’ouvre, je pense que l’Arménie aura le potentiel de renforcer ses liens économiques non seulement avec la Turquie, mais aussi avec l’UE et même avec le Japon.

– Compte tenu du développement rapide de l’écosystème technologique et innovant en Arménie, voyez-vous un potentiel de coopération plus approfondie entre les secteurs technologiques arménien et japonais ?
– Vous m’avez interrogé sur les secteurs de coopération actuels. Oui, les technologies de l’information (TI) peuvent effectivement être l’un de ces secteurs. Dans ce domaine, la distance n’est pas un obstacle majeur, n’est-ce pas ?

L’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) a récemment lancé un projet visant à établir des connexions entre les entreprises de TI japonaises et arméniennes. Lors de la première phase, un séminaire en ligne a été organisé pour présenter des entreprises japonaises de TI.

D’après mes informations, la JICA a également envoyé des experts en Arménie, qui ont présenté le secteur des technologies de l’information du Japon et ont organisé des séminaires pour les entreprises arméniennes.

L’objectif final du projet est de créer une coopération commerciale concrète entre les entreprises arméniennes et japonaises du secteur des technologies.

-Monsieur l’ambassadeur, l’Arménie et le Japon entretiennent des liens culturels, éducatifs et historiques qui, bien que pas très étendus, sont profonds et précieux. En étudiant l’histoire des relations arméno-japonaises, on peut rencontrer des noms de personnalités arméniennes remarquables telles qu’Aram Khatchatourian, Gohar Gasparyan, Silva Kaputikyan. Ces liens ont contribué à approfondir la compréhension mutuelle entre nos peuples


– Oui, oui, Le Masque de bal (“Maskarad”). J’aime beaucoup

Le Masque de bal d’Aram Khatchatourian. Savez-vous qu’en 2009, la célèbre patineuse artistique japonaise Mao Asada a remporté le Grand Prix de patinage artistique en finale en interprétant Le Masque de bal de Khatchatourian ?

Selon vous, quelles mesures faudrait-il prendre pour rapprocher davantage les peuples arménien et japonais ? Les liens culturels et éducatifs se développent visiblement grâce à d’excellentes initiatives comme le centre TUMO à Gunma et les programmes d’étude de la langue et de la culture japonaise en Arménie. Existe-t-il des projets pour élargir ces efforts ?

– L’ambassade promeut chaque année la culture japonaise en Arménie à travers des festivals de cinéma, des expositions itinérantes et des programmes culturels. En septembre de cette année, nous prévoyons une exposition de manga et Hokusai, en octobre-novembre un festival du film japonais, et en novembre une exposition d’origami. Nous avons également organisé des concerts avec des instruments de musique traditionnels japonais et arméniens.

L’ambassade développe aussi la communication via les réseaux sociaux. Nous publions presque quotidiennement sur Facebook des contenus liés à la culture japonaise et avons des abonnés en Arménie comme à l’étranger.

Concernant l’éducation, il existe diverses opportunités pour les Arméniens d’étudier au Japon. Chaque année, l’ambassade organise un concours de bourses du gouvernement pour les candidats proposés par l’ambassade.
Le ministère japonais des Affaires étrangères offre à la partie arménienne des possibilités de formation en japonais pour diplomates et fonctionnaires.

Actuellement, des programmes de japonais sont proposés à l’Université arméno-russe et à l’Université d’État V. Bryousov, tandis que la culture japonaise peut être étudiée à l’Université d’État d’Erevan. Nos pays coopèrent également depuis plusieurs années dans la préservation du patrimoine culturel.

Et oui, je ferai tout mon possible pour élargir encore ces initiatives et bien d’autres.

En regardant vers la prochaine décennie, quelles directions principales ou objectifs stratégiques voyez-vous pour les relations Arménie-Japon ?

-Je souhaite une fois de plus souligner que l’Arménie et le Japon partagent des valeurs communes. La solidarité entre pays partageant une vision similaire prend de plus en plus d’importance de nos jours. Dans ce contexte, le Japon s’engage à approfondir ses relations bilatérales avec l’Arménie.

Le gouvernement japonais élargit actuellement son soutien à l’Arménie.
La semaine dernière, j’ai participé à deux événements communautaires. Le premier a célébré l’inauguration d’une nouvelle école IT dans le village de Marmashen, et le second, l’ouverture d’un centre de formation agricole. De plus, hier, j’ai assisté à la cérémonie d’ouverture d’une nouvelle caserne de pompiers et de secours dans la région de Kotayk, en présence du vice-ministre de l’Intérieur et du gouverneur de Kotayk.
Un jour plus tôt, dans la région d’Ararat, j’ai participé à l’inauguration de trois établissements de santé, réalisés dans le cadre d’un projet conjoint avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

– Excellence, vous avez commencé votre mission diplomatique en Arménie en 2023. Quelles sont vos impressions sur notre pays et notre peuple ?

– Oui. Mes amis et collègues arméniens et japonais, surtout ceux qui connaissent bien nos deux pays, disent souvent que nos deux peuples ont beaucoup de points communs. C’est un élément clé. Par exemple, nos deux pays ont une culture, des traditions et une langue très particulières, assez différentes de celles de nos voisins.
Je pense aussi que les Arméniens et les Japonais sont généreux, bienveillants et polis. Nos villes et nos rues sont propres et très sûres. Vous ne seriez pas en déscord avec moi ?

-On dit souvent que les Japonais aiment le mont Fuji tout comme les Arméniens aiment l’Ararat. Ni le Japon, ni l’Arménie ne sont riches en ressources naturelles, mais ils sont extrêmement riches en talents humains. Ces similitudes et cette sympathie qui en découle sont une base solide pour des relations amicales.

J’apprécie beaucoup mon travail comme ambassadeur du Japon en Arménie. Et comme je l’ai déjà dit, je ferai tout pour que davantage de Japonais apprennent à connaître l’Arménie, et en même temps, que les Arméniens connaissent mieux le Japon. Cela est crucial pour approfondir nos relations d’amitié.

Quel message aimeriez-vous adresser au peuple arménien ?

– Je souhaiterais vraiment que le peuple arménien connaisse mieux le Japon, ainsi que la politique du gouvernement japonais.

Votre excellence, merci pour cette importante interview.


Elya Haroutunian

 

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