L'heure à Erevan: 11:07,   28 Avril 2024

Entretien exclusif d'ARMENPRESS avec la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de la République française

Entretien exclusif d'ARMENPRESS avec la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères 
de la République française

EREVAN, 28 AVRIL, ARMENPRESS. La ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de la République française, Mme Catherine Colonna, considère que les entraves à la circulation le long du corridor de Latchine, qui se poursuivent depuis le 12 décembre, ne sont pas acceptables. Selon Mme la ministre cette situation n’est pas acceptable car elle emporte pour les populations du Haut-Karabagh un grave risque d’asphyxie économique et de crise humanitaire. Dans une interview exclusive accordée à "Armenpress", la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de la République française souligne que la décision de l’Azerbaïdjan d’installer un point de contrôle à l’entrée de la nouvelle route du corridor de Latchine est très préoccupante, comme l’ont également indiqué l’Union européenne et les Etats-Unis.

- Il y a déjà quatre mois que l'Azerbaïdjan soumet le Haut-Karabagh à un blocus, en raison duquel la population du Haut-Karabagh est au bord d'une catastrophe humanitaire. La communauté internationale, y compris la France, a jugé inacceptable le blocus du corridor de Latchine et a appelé l'Azerbaïdjan à assurer la libre circulation des personnes et des véhicules à travers ce corridor. Récemment, la Cour internationale de justice a ordonné à l'Azerbaïdjan d'ouvrir immédiatement le corridor de Latchine et d'assurer la libre circulation, mais l'Azerbaïdjan continue à maintenir le corridor bloqué, ignorant tous les appels de la communauté internationale et l'ordonnance de la Cour internationale de justice. Ne croyez-vous pas qu'il est temps pour la communauté internationale de passer des paroles aux actions et de prendre des mesures claires pour s'assurer que l'Azerbaïdjan mette fin à son blocus du Haut-Karabagh ? Quelles mesures la France est-elle prête à prendre dans ce sens, envisagez-vous d'imposer des sanctions à l'Azerbaïdjan ?  Puisque l'Azerbaïdjan continue à lancer des actions agressives contre l'Arménie, l'UE et la France quelles mesures concrètes, sont-elles prêtes à prendre pour mettre en œuvre la solution proposée par la Déclaration de l’UE  sur les récents incidents à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, qui indique qu’en l’absence de délimitation de la frontière, la ligne de 1991 doit être respectée et les forces de part et d’autre doivent être retirées à une distance de sécurité de cette ligne?

 - Les entraves à la circulation le long du corridor de Latchine, qui se poursuivent depuis le 12 décembre, ne sont pas acceptables. J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises d’exprimer la position de la France sur le sujet.

Cette situation n’est pas acceptable car elle emporte pour les populations du Haut-Karabagh un grave risque d’asphyxie économique et de crise humanitaire. Mais elle entrave également la poursuite des négociations de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, en faveur desquelles le Premier Ministre Pachinian est courageusement engagé, et fait peser un risque pour la stabilité d’une région déjà profondément impactée par le contexte géopolitique que nous connaissons actuellement.

Nous devons collectivement mesurer les conséquences de l’agression que la Russie mène contre l’Ukraine. Ce que nous vivons aujourd’hui, c’est un retour de la guerre sur notre continent. Mais il s’agit aussi, plus fondamentalement, d’une tentative assumée de remettre en cause les principes cardinaux d’un ordre international basé sur le droit pour le remplacer par la loi du plus fort. C’est un moment grave, qui doit amener chacun à mesurer ses responsabilités et à prendre conscience que la paix est notre bien le plus précieux.

La Cour internationale de justice s'est prononcée par référé, il y a quelques semaines, en demandant à Bakou de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour assurer la circulation sans entrave le long du corridor. Son jugement s’impose à tous et doit être respecté. La décision de l’Azerbaïdjan d’installer un point de contrôle à l’entrée de la nouvelle route du corridor de Latchine est de ce point de vue très préoccupante, comme l’ont également indiqué l’Union européenne et les Etats-Unis.

La France souhaite que l’ensemble des sujets de différends soit réglé exclusivement par la voie de la négociation. C’est le sens de son engagement, aux côtés de l’Union Européenne. Et c’est pour porter cet appel à la responsabilité, à la reprise des négociations et au respect du droit que j’effectue un déplacement cette semaine en Azerbaïdjan et en Arménie.

-Le président de l'Azerbaïdjan affirme que le conflit du Haut-Karabagh est une question interne et qu'il n'en discutera avec personne, alors que la partie arménienne, dans le cadre du règlement des relations avec l'Azerbaïdjan, insiste également sur la création d'un mécanisme de dialogue international entre Bakou et le Haut-Karabagh, sur la sécurité et les droits du Haut-Karabagh et sur la question des garanties de sécurité internationales. Quelle est la position de la France sur cette question, y compris en sa qualité de co-présidente du groupe de Minsk de l'OSCE ?

- Nous souhaitons que des négociations s’engagent entre les représentants du Haut-Karabagh et les autorités azerbaïdjanaises sur le contenu des droits et garanties pour la population, avec le soutien de la communauté internationale. Cela implique que des conditions propices soient créées pour de telles négociations, ce qui passe notamment par le rétablissement de la libre circulation le long du corridor de Latchine.  

La France appuiera toute solution permettant de garantir que les populations arméniennes du Haut-Karabagh puissent continuer d’y vivre en sécurité, dans le respect de leur histoire, de leur patrimoine et de leur culture. C’est leur droit le plus strict.

- Je vous prie de nous parler du niveau actuel des relations arméno-françaises. Comment évaluez-vous la coopération entre l'Arménie et la France dans différents domaines et dans quels autres domaines voyez-vous un potentiel d'approfondissement de la coopération ?

- La relation entre nos deux pays est exceptionnelle. Elle s’est forgée dans une histoire commune, qui a connu des moments heureux mais aussi d’autres particulièrement douloureux, et se développe aujourd’hui à la fois entre les gouvernements et les sociétés civiles.

La France appuie résolument les efforts entrepris par le gouvernement de M. Pachinian pour consolider la démocratie et l’Etat de droit en Arménie et développer l’économie du pays. Le choix courageux du modèle démocratique par l’Arménie doit être soutenu et nous nous y engageons aux côtés d’autres membres de la communauté internationale, et avec l’Union européenne.

Nous avons par ailleurs signé une ambitieuse feuille de route économique en décembre 2021, donc tout récemment, et organisé un forum « Ambitions France Arménie » à Paris et ouvert un bureau de l’Agence française de Développement à Erevan. L’AFD poursuit un fructueux dialogue avec les autorités arméniennes pour s’engager sur de nouveaux projets, notamment dans les domaines de l’eau et des énergies durables. Nos échanges commerciaux bilatéraux ont augmenté de façon significative l’année dernière, et nous œuvrons pour que cette tendance se poursuive, y compris en soutenant les entreprises françaises qui souhaiteraient investir en Arménie, comme le font déjà avec succès Veolia, Pernod-Ricard, Carrefour ou Amundi-Acba.

En matière de défense, l’ouverture d’une Mission de défense au sein de l’Ambassade de France à Erevan doit permettre d’intensifier notre coopération bilatérale dans ce domaine clé.

Enfin, dans le domaine de la coopération culturelle et éducative, nous souhaitons nous appuyer sur la formidable réussite de l’UFAR, l’Université française d’Arménie, et ouvrirons prochainement un Institut français d’Arménie qui permettra de mettre en place une riche programmation culturelle, tout en proposant des cours de français de tous niveaux. Je pourrais également citer notre coopération remarquable sur le développement de la francophonie, les sciences, la culture, le sport ou encore la préservation du patrimoine, autant de secteurs qui témoignent du dynamisme exceptionnel de la relation entre la France et l’Arménie, à laquelle je suis profondément attachée.

- Mme la Ministre, je voudrais évoquer une question importante pour le peuple arménien, et, pourquoi pas, pour toute l'humanité. C’était il y a quelques jours le 108e anniversaire du Génocide arménien. En tant que Ministre des Affaires étrangères d'un pays qui a reconnu et condamné le génocide, quel est votre message au monde, et notamment à la Turquie, afin que de tels crimes contre l'humanité ne se répètent pas à l'avenir ?

- Nous avons en effet rendu hommage le 24 avril, comme nous le faisons chaque année, à la mémoire des victimes du génocide arménien de 1915, qui est officiellement reconnu en France depuis la loi du 29 janvier 2001. Cet hommage revêt une solennité plus grande encore depuis que le Président de la République l’a fait entrer, en 2019, dans la liste des commémorations républicaines.

Cette commémoration a une résonnance particulière car de nombreux Français sont des descendants des survivants du génocide, accueillis par la France. Mais commémorer un génocide, c’est aussi adresser un message à l’humanité pour que ces terribles événements ne se reproduisent pas, dans une période troublée où, malheureusement, les conflits se multiplient et où de nombreuses minorités sont menacées. 

S’agissant de la Turquie, il faut souligner que le génocide des Arméniens y est également commémoré, à l’initiative de courageuses organisations de la société civile, et que des chercheurs et historiens turcs travaillent sur le sujet. Nous devons continuer d’apporter notre soutien aux efforts déployés partout dans le monde, par les acteurs institutionnels comme par les sociétés civiles, pour lutter contre le négationnisme et réfléchir aux terribles leçons de l’Histoire. C’est notre capacité à préserver le vivre ensemble entre les peuples qui est en jeu.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 








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