L'heure à Erevan: 11:07,   28 Avril 2024

M. Rasmussen estime crucial que les États européens s'engagent pour la paix dans le conflit autour du Haut-Karabagh

M. Rasmussen estime crucial que les États européens s'engagent pour la paix dans le 
conflit autour du Haut-Karabagh

EREVAN, 25 MARS, ARMENPRESS: L'ancien secrétaire général de l'Otan, qui s'est rendu en Arménie mi-mars, estime crucial que les États européens s'engagent pour la paix dans le conflit autour du Haut-Karabagh, victime de l'attitude belliqueuse de l'Azerbaïdjan.

LE FIGARO.- Vous revenez d'un déplacement en Arménie, où vous avez alerté d'un risque réel d'escalade. Pourquoi la situation dans le Caucase vous inquiète-t-elle ?

V.RASMUSSEN. Le risque d'une guerre ouverte entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan dans un futur proche est réel et sous-estimé. Il existe une unique route reliant l'enclave du Haut-Karabagh à l'Arménie. Une seule. Et cette route est bloquée depuis le 12 décembre. Des produits essentiels aux médicaments, plus rien ne passe. Des habitants sont coincés côté arménien et ne peuvent retourner chez eux. Cette situation peut aboutir à un désastre humanitaire. L'objectif, à terme, pourrait être un nettoyage ethnique, en rendant la vie des habitants si difficile que beaucoup d'entre eux quitteraient le territoire.

J'ai écrit un message au président azéri Ilham Aliev pour lui enjoindre de lever le blocus. Il ne m'a pas répondu, tout comme il n'a jamais réagi aux différentes déclarations de la communauté internationale. La Cour internationale de justice (organe judiciaire des Nations unies, ndlr) a ordonné elle-même à l'Azerbaïdjan de rétablir la circulation. Mais le blocus est toujours là. J'apprécie l'engagement fort d'Emmanuel Macron sur ce sujet, et j'espère que la France sera rejointe par les autres principaux États membres de l'Union européenne pour accentuer la pression sur le président Aliev.

LE FIGARO - Quel genre de pressions ?

V.RASMUSSEN- La Commission européenne et l'Azerbaïdjan sont liés par un accord sur l'énergie. Évidemment, après avoir coupé l'approvisionnement en gaz russe, nous avons besoin d'alternatives. Mais cet accord peut justement être une excellente base pour accentuer la pression sur le président azéri. Il est important de signifier à Bakou que notre intérêt énergétique ne nous fera pas détourner le regard d'un drame humanitaire en puissance.

ll se pourrait qu'Ilham Aliev soit un autocrate, à l'instar de Vladimir Poutine. Mais je crois fermement qu'il est conscient du désavantage de passer pour un paria international, comme c'est le cas pour son homologue russe. À mon avis, Aliev calcule minutieusement les limites à ne pas dépasser dans les violations du droit international. Car le blocage du Haut-Karabagh est une violation du droit, de même que les attaques menées en septembre dernier sur le sol arménien, suivies de l'occupation de bouts de territoires. L'Union européenne doit signifier clairement au régime d'Aliev que ces violations ne resteront pas impunies.

LE FIGARO - La responsabilité de l'ouverture du corridor n'incombe-t-elle pas également à la Russie ?

V.RASMUSSEN- En effet, le corridor de Latchin est sous le contrôle des «soldats de la paix» russes depuis un accord en 2020. J'ai vu de mes propres yeux les soldats postés pour contrôler la route. Ils sont tout proches du lieu du blocus, mais ils ne font rien ! Moscou n'a absolument rien fait pour empêcher cette situation, comme elle n'a rien dit lorsque Bakou a attaqué l'Arménie en septembre. On ne peut exclure que Moscou, outre un manque de volonté d'aider son alliée historique, manque également de capacités pour le faire, étant pleinement engagé sur le front ukrainien. Quoi qu'il en soit, il y a manifestement un changement de paradigme dans le Caucase, avec un recul de l'influence et de l'impact russe. Les Arméniens sont profondément déçus de cette inaction. Voilà pourquoi ils cherchent des amis fiables, qu'ils pourraient trouver à l'Ouest.

LE FIGARO - Vous dites que l'Europe a une responsabilité particulière en Arménie, pourquoi ?

V.RASMUSSEN - Je pense qu'un nouveau conflit dans cette région aux portes de l'Europe ne peut nous servir. Cela risque d'abord être compromettant pour notre approvisionnement en énergie. Aussi, la passivité de la Russie laisse présager l'existence d'une alliance informelle entre Moscou et Bakou, et, derrière, entre Moscou et Istanbul. Voilà pourquoi les États européens doivent s'engager dans le Caucase du Sud.

Je pense que l'Union européenne a saisi l'enjeu en déployant une  mission d'observateurs à la frontière arménienne. Pour l'instant, le groupe est trop petit, les moyens trop limités, et les experts n'ont pas accès au côté azéri de la frontière. Mais c'est une bonne base. L'objectif est double : dans l'immédiat, contenir la menace - car l'Azerbaïdjan n'osera pas attaquer tant que des observateurs européens pourront constater les faits. Dans une perspective plus longue, j'encourage l'Union européenne à en faire une véritable mission d'enquête pour établir des faits documentés sur la situation humanitaire au Nagorny Karabagh.

Nous devons également presser le président Aliev d'engager des négociations de paix. Le premier ministre arménien a fait preuve d'une grande flexibilité en ce sens, en indiquant que pour lui et son gouvernement, des garanties sur les droits et la sécurité des habitants du Nagorny Karabagh primeraient sur tout débat quant au statut de l'enclave (qui se veut autonome mais que Bakou revendique, ndlr). En d'autres termes, l'Arménie serait potentiellement prête à accepter que l'enclave fasse partie de l'Azerbaïdjan, à condition que soient absolument garantis les droits des Arméniens qui y résident.

Si un tel scénario se matérialisait, un mécanisme international serait nécessaire pour contrôler le respect des garanties. Ceci est inimaginable sans une mission pacifique de maintien de la paix, qui puisse alerter en cas de risque imminent de nettoyage ethnique. Je plaide donc pour le déploiement d'une mission internationale et armée, sous mandat des Nations unies.








youtube

AIM banner Website Ad Banner.jpg (235 KB)

Toutes les nouvelles    

Tomorrow  Demain

Digital-Card---250x295.jpg (26 KB)

12.png (9 KB)

Sur l'agence

Adresse Armenia, 22 Saryan Street, Yerevan, 0002, Armenpress
Tél.: +374 11 539818
Courriel: contact@armenpress.am