Le livre-album « L'Aigle blessé » du photographe et réalisateur suisse-arménien Demir Sönmez apportera un nouveau regard sur la guerre de 44 jours
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La guerre de 44 jours, des histoires humaines, de la douleur, de l'espoir et l'attente de la lumière. Dans son livre-album bilingue arménien-français « L'Aigle blessé », le réalisateur et photographe suisse-arménien Demir Sönmez documente la lutte et la perte du peuple du Haut-Karabakh. Avec des notes écrites et des commentaires accompagnant les photographies, il emmène le lecteur sur le champ de bataille à Stepanakert, Chouchi, Martakert, Martouni et dans d'autres localités.
Né à Karin (Erzurum), Demir Sönmez, qui n’a découvert ses racines arméniennes qu’à un âge mûr, a présenté son précieux livre-album en Arménie dans le cadre de la « Semaine du Génocide » organisée par les éditions Newmag et l’Union Générale Arménienne de Bienfaisance, à l’occasion du 110ᵉ anniversaire du génocide arménien.
Dans un entretien avec la correspondante d’Armenpress, le photographe confie que la découverte de ses origines arméniennes a rendu sa vie plus difficile :
« Je me suis engagé dans des actions liées à la mémoire du génocide arménien, ce qui a compliqué davantage mon existence. Depuis 1978, j’ai été emprisonné, et même avant cela, j’étais impliqué dans la lutte politique. À ma sortie de prison, je me suis tourné vers le journalisme et la photographie, en me consacrant à des sujets sociaux et politiques. Cela m’a valu d’être expulsé de Turquie en 1990. En Suisse, j’ai repris la photographie », raconte-t-il.
Demir Sönmez écrit sur les droits de l’homme, la justice sociale et la diversité. Il affirme que son livre consacré à la guerre des 44 jours a une valeur documentaire: c’est un témoignage de mémoire, un hommage aux victimes et un appel à la conscience de toute l’humanité.
Il s’est rendu en Irak, en Syrie, mais c’est un ami de longue date - feu Raffi Hermon Araks, rédacteur en chef du service d'information en langue turque de l’agence nationale de presse "Armenpress" - qui a incité Demir Sönmez à documenter les événements majeurs du Haut-Karabakh en 2020.
« Il m’a appelé et m’a dit : comment se fait-il que tu couvres des événements dans différents pays, mais que tu ne parles pas de nous ? J’ai alors décidé de venir ici. C’étaient des temps difficiles, en pleine pandémie, mais je suis venu. Je voulais être aux côtés de mon peuple et porter sa voix dans le monde », se souvient Sönmez.
Le livre a d’abord été publié en anglais et en français. Quatre des photographies qu’il contient ont reçu des prix prestigieux et ont été exposées pendant un an dans plusieurs galeries en Suisse.
Encouragé par ce succès, Demir Sönmez est venu à Erevan en 2022 pour publier une version arménienne de l’ouvrage.
Dans cette nouvelle édition, présentée au public par les éditions Newmag, outre les photographies de l’auteur sur le thème de la guerre, sont également incluses des images fournies par l’agence de presse nationale Armenpress (photographe : Hayk Manukyan), illustrant les événements de 2023 : le dépeuplement du Haut-Karabakh et l’arrivée des réfugiés d’Artsakh en Arménie.
Selon Sönmez, ces archives photographiques complètent l’histoire.
« Notre partenaire, notre compatriote, a accompli un travail très important et durable. Je pense que de tels travaux ont une grande importance pour sauver les événements historiques de l'oubli du temps. L'agence de presse “Armenpress” est également consciente de son engagement à transmettre les événements historiques aux générations futures de manière documentée et exacte, et c'est avec cette responsabilité qu'elle a abordé et, avec une grande joie et fierté, fait partie de la publication de ce livre », souligne Nariné Nazaryan, directrice de l’agence de presse "Armenpress".
Selon elle, l’équipe créative de l’agence a documenté et transmis à l’archive de "Armenpress" des images précieuses des localités frontalières telles que Kornidzor, Goris et Vayk, où les autorités arméniennes ont rapidement organisé l’accueil et l’enregistrement des compatriotes déplacés de force du Haut-Karabakh. Ces images permettront aux générations futures de savoir que même au XXIe siècle, le monde avancé a été témoin de génocides et de déplacements massifs de populations.
Le photographe Areg Balayan Balayan, également présent au centre des événements en 2020, a photographié ce qu’il a pu. Il a souvent eu l’opportunité de travailler, car les habitants le connaissaient et lui faisaient confiance. Selon lui, seules 15 à 20 % des événements ont été photographiés.
« Je suis réalisateur de documentaires, et je comprends profondément et j’accorde une grande valeur au rôle de la documentation. Bien que récemment, j’aie commencé à me demander si cela est aussi important que nous le pensons, ou peut-être que dans le futur, cela s’avérera encore plus important, le fait qu’un document factuel soit créé est déjà significatif », a souligné M.Balayan, ajoutant que la résolution de telles questions ne repose pas uniquement sur les épaules du travail documentaire.