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L’initiative de paix de l’Arménie est un véritable test décisif pour la diplomatie et la stabilité dans le Caucase du Sud, souligne le journal grec To Vima

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L’initiative de paix de l’Arménie est un véritable test décisif pour la diplomatie et la stabilité dans le Caucase du Sud, souligne le journal grec To Vima

Un article détaillé sur l’agenda de paix initié par le gouvernement arménien a été publié dans le journal grec To Vima. Selon Armenpress, l’auteur de l’article, Tigran Ghaloumyan, souligne que lorsque le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan a annoncé la volonté de l’Arménie de tourner la page de l’hostilité et de parvenir à un accord historique de paix avec l’Azerbaïdjan, la communauté internationale a réagi avec un intérêt poli, mais peu d’actions concrètes. Cependant, selon l’auteur, ce qui est sur la table dépasse largement un simple accord bilatéral entre deux pays postsoviétiques.

« L’initiative de paix de l’Arménie est un véritable test décisif pour la diplomatie, la démocratie et la stabilité futures dans le Caucase du Sud - une région souvent négligée mais qui pourrait jouer un rôle déterminant pour les intérêts stratégiques de l’Europe », écrit l’auteur.

Il estime que l’Arménie a pris un pari audacieux avec cette proposition : la diplomatie peut réussir là où la guerre a échoué, et les blessures profondes laissées par le conflit du Haut-Karabakh peuvent céder la place à un avenir de coexistence pacifique. « Ce n’est pas une vision naïve, c’est une nécessité stratégique », insiste-t-il.

L’article rappelle que depuis plus de trente ans, l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont en conflit centré sur la région ethniquement arménienne du Haut-Karabakh. La guerre des années 1990 a conduit à un contrôle arménien sur la région et ses territoires adjacents, mais la seconde guerre, plus courte, plus violente et technologiquement avancée, en 2020, a vu l’Azerbaïdjan récupérer la majeure partie de ces terres avec le soutien de la Turquie. Le cessez-le-feu négocié sous médiation russe a été fragile dès le départ.

Depuis, la région a connu des changements sismiques : la Russie, auparavant garant principal de la sécurité régionale, s’est recentrée sur elle-même en raison de la guerre en Ukraine, tandis que la Turquie et l’Iran ont accru leur influence dans le Caucase. L’Europe, préoccupée par la sécurité énergétique et la migration, a récemment repris les efforts diplomatiques.

Dans ce contexte, la proposition de paix du Premier ministre arménien se distingue tant par son ton que par son contenu. Elle repose sur la volonté de l’Arménie de reconnaître mutuellement la souveraineté et l’intégrité territoriale comme principe fondamental d’une coexistence pacifique entre les deux peuples. Cela implique des concessions difficiles des deux côtés et reflète l’engagement de l’Arménie envers un avenir fondé sur le droit international, le dialogue et la stabilité régionale.

L’auteur évoque aussi les risques de cette initiative : sur le plan interne, Nikol Pashinyan fait face à une opposition politique et à une partie de la population qui considère ce plan de paix comme une trahison. Le traumatisme national, particulièrement après les pertes humaines en 2020 et le nettoyage ethnique des Arméniens du Haut-Karabakh en 2023, est profondément enraciné.

Au niveau régional, il existe des craintes que l’Azerbaïdjan, encouragé par ses victoires militaires et le soutien d’Ankara, interprète les concessions arméniennes non pas comme un acte de bonne volonté, mais comme une faiblesse, et exige davantage. L’idée du « corridor de Zangezur » traversant la région sud-arménienne de Syunik suscite notamment des inquiétudes quant à une possible atteinte à la souveraineté arménienne.

Malgré ces risques, l’auteur conclut que les bénéfices potentiels pourraient avoir un effet transformateur pour la région.

Il est souligné que l’accord de paix durable permettrait à l’Arménie de débloquer les routes commerciales, d’attirer des investissements étrangers et d’accélérer son développement démocratique. Cela positionnerait également le Caucase du Sud comme un corridor fiable de communication Est-Ouest, correspondant aux priorités de la stratégie européenne des « Portes globales », qui cherche des alternatives aux routes chinoises et russes.

Dans ce contexte, l’auteur insiste sur le rôle de l’Europe, affirmant qu’elle ne peut se permettre d’être un simple spectateur. « Le Caucase du Sud peut sembler éloigné, mais il est la ligne de front entre la résistance démocratique et l’expansionnisme autoritaire. L’Arménie est la seule de ses voisins à avoir adopté des réformes démocratiques, la transparence et le renforcement de la société civile, tout en faisant face à des menaces existentielles pour sa sécurité. »

L’accord de paix stabiliserait non seulement une frontière fragile, mais enverrait aussi un signal fort : la diplomatie reste possible, même dans les conflits ethniques complexes. Le rôle de l’UE dans la facilitation des négociations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan a été louable, mais limité. Il est désormais temps pour Bruxelles d’approfondir son engagement, non seulement par des dialogues, mais aussi par un soutien concret via des missions de surveillance frontalière, des programmes d’investissement et des partenariats entre sociétés civiles.

De plus, l’Europe doit défendre sans ambiguïté la souveraineté de l’Arménie. Les appels à un corridor traversant le territoire arménien doivent faire face à une forte résistance diplomatique. La paix ne doit pas être imposée, mais construite sur la reconnaissance mutuelle et la dignité égale.

L’auteur note aussi que ce moment est singulier non seulement géopolitiquement, mais aussi générationnellement. Il observe que toute une jeunesse en Arménie exprime sa lassitude face aux guerres interminables et à l’isolement idéologique. « Elle aspire à la paix non seulement comme absence de conflit, mais comme fondement d’opportunités - emplois, mobilité, innovation et connexion au monde. Ce mouvement ne caractérise pas seulement l’Arménie : de Tbilissi à Kiev, d’Erevan à Chisinau, la nouvelle génération rejette le fatalisme du passé et exige des dirigeants des actions audacieuses et responsables vers l’intégration plutôt que la désintégration. L’initiative de paix, même imparfaite, est une de ces étapes », écrit l’auteur.

En conclusion, il affirme que la proposition de paix du Premier ministre arménien n’est pas un simple jeu politique, mais un test de la volonté de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan et de la communauté internationale. « Choisira-t-on un avenir fondé sur la coopération et le dialogue, ou retournera-t-on dans le cycle de guerre et de vengeance ? L’Histoire observe, tout comme les jeunes de la région, dont la vie dépend du choix fait aujourd’hui », termine-t-il.

 

 

 

 

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