Nous attendons de la communauté internationale l’application du principe de «sécession remède»

Armenpress 21:46, 25 Octobre, 2020

EREVAN, 25 OCTOBRE, ARMENPRESS. Le Premier ministre Nikol Pashinyan, a accordé une interview à la chaîne de télévision indienne WION, que "Armenpress" présente ci-dessous:

WION - Bonjour  et bienvenue à la série Global Leadership Series de WION. Notre invité est le Premier Ministre arménien Nikol Pashinyan. Il est bon de vous avoir sur WION, M. Pashinyan, bienvenue dans l'émission.

Premier ministre Nikol Pashinyan - Je suis heureux d’être accueilli par vous. Je vous remercie.

WION - Les batailles  se poursuivent au Karabakh depuis 4 semaines. Deux accords de cessez-le-feu ont déjà violé. Êtes-vous prêt pour une guerre prolongée?

Premier ministre Nikol Pashinyan: Vous savez, c'est en fait une guerre qui nous est imposée. L'Arménie a rempli ses obligations dans le cadre des accords de cessez-le-feu que vous avez evoqués. C'est l'Azerbaïdjan qui ne respecte pas ses engagements et cela a des raisons. Le problème est que dans cette guerre contre le Haut-Karabakh, nous voyons non seulement l'Azerbaïdjan, mais aussi la Turquie impliqué, ainsi que des mercenaires et des terroristes amenés dans la zone de conflit par la Turquie. Vous ne pouvez qu'imaginer essentiellement à quelle situation déroutante et chaotique nous sommes confrontés. Nous avons également des informations sur des combattants armés du Pakistan qui participent à la guerre contre le Haut-Karabakh. Et peut-être que la nature multicouche de cette situation est une des raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas parvenir à une stabilisation. Quant aux Arméniens du Haut-Karabakh, dans cette situation, ils n’ont d’autre choix que de se défendre par tous les moyens possibles, pour autant qu’il soit possible de régler diplomatiquement la question.

WION - Dans votre appel au peuple, vous avez dit qu'au moins à ce stade, il n'y a pas de solution diplomatique à la question du Karabakh. Dans ce cas, quelle est la solution?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Regardez quel est le problème. Pour résoudre ce problème, nous avons besoin de concessions mutuelles,mais chaque fois que l'Arménie se déclare prête à faire une concession en abaissant encore un peu la barre que la partie arménienne a fixée, l'Azerbaïdjan présente de nouvelles demandes, de nouvelles conditions.      C'était il y a très longtemps dans le processus de négociation et c'est la situation actuelle.  Et, en fait, quand je dis qu'à l'heure actuelle il n'y a pas de possibilité de solution diplomatique j’ai évoqué la position non constructive de l’Azerbaïdjan, parce que l'Azerbaïdjan n'était pas prêt et n'est pas prêt à régler la question du Karabakh fondée sur des concessions mutuelles. Dès que l'Azerbaïdjan sera prêt pour une telle position, je pense que nous aurons un certain succès. Et tant qu'une telle position n'est pas prise, il est très difficile de parvenir à une solution diplomatique, Cela, bien sûr, ne signifie pas que nous arrêtons de travailler dans cette direction, nous continuerons à travailler dans cette direction.  

WION - L'Azerbaïdjan accuse l'Arménie d'avoir violé le cessez-le-feu. Votre commentair?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Vous voyez, dans ces cas, personne ne dit: "Oui, c'est moi qui ai rompu la trêve." Mais je pose une question. Construisons une chaîne logique. Le fait que la guerre ait été déclenchée par l'Azerbaïdjan est un fait. C'est également un fait que l'Azerbaïdjan a des terroristes armés qui combattent à ses côtés. C'est un fait. Je ne connais pas de terroristes armés engagés dans une zone de conflit pour tenter de parvenir à une trêve. Et troisièmement, chaque fois qu'il y a un accord sur le cessez-le-feu, la Turquie déclare publiquement que l'Azerbaïdjan ne doit pas arrêter les combats. Au fur et à mesure que nous construisons cette chaîne logique, nous pouvons rapidement conclure qui n'a pas respecté le cessez-le-feu.

WION - Abordant la question des terroristes armés, vous avez mentionné que des terroristes avaient été envoyés du Pakistan. L'Arménie n'a pas de relations diplomatiques avec le Pakistan, mais vous pouvez en appeler à la communauté internationale pour qu'elle fasse pression sur le Pakistan en vue de suspendre l'exportation de terroristes armés et de désamorcer la situation entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Que fait-on dans ce sens?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Nous avons transmis toutes les informations sur ce  problème  à nos partenaires internationaux. Des publications dans les médias internationaux prouvent également que des terroristes et des mercenaires syriens participent à la guerre du Karabakh. Et les structures internationales sont également informées. Un certain nombre de pays ont déjà officiellement reconnu la présence de terroristes et de mercenaires dans la zone de conflit et ont exprimé leur inquiétude à cet égard. Et, bien entendu, la communauté internationale doit condamner fermement ces actions et prendre des mesures concrètes pour mettre fin à la présence de terroristes dans la région.

WION - Le président arménien a récemment visité le siège de l'OTAN. Le secrétaire général de l'Alliance de l'Atlantique Nord a noté que l'OTAN restera neutre. Qu’aller vous  faire?

Premier ministre Nikol Pashinyan - La Turquie est membre de l'OTAN et  je pense que les actions menées par la Turquie dans la guerre contre le Haut-Karabakh imposent certaines responsabilités à l'OTAN. Aujourd'hui (23 octobre), Human Rights Watch a rapporté que l'Azerbaïdjan utilise des armes interdites dans la zone de conflit du Karabakh, en particulier des bombes à fragmentation, ce qui constitue une violation flagrante du droit international. Et lorsqu'un État membre de l'OTAN participe à ce processus, lorsqu'un État membre de l'OTAN envoie des mercenaires, des terroristes dans la zone de conflit pour déclencher une guerre contre le Haut-Karabakh, c'est la responsabilité directe de l'OTAN, et ici L'OTAN doit répondre à ces questions: Après tout, comment réagit-il lorsque son État membre:

recrute des terroristes et des mercenaires et transporte  dans la zone de conflit; participe à un processus où des armes interdites sont utilisées et où des civils sont soumis à des tirs de roquettes.

WION - Pensez-vous que l'OTAN  et d'autres organisations internationales multilatérales comme l'ONU - ne peut pas gérer de telles situations?

Premier ministre Nikol Pashinyan -Vous savez, c'est un problème constant, il existe depuis longtemps. L'expérience montre que de telles actions ne sont pas toujours efficaces et que ces structures ne disposent souvent pas d'un levier suffisant pour influencer concrètement la situation. Par conséquent, nous pensons que le déploiement de soldats de la paix russes dans la zone de conflit pourrait être un moyen de sortir de cette situation. À notre avis, la communauté internationale et, en particulier, les pays coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE devraient soutenir et encourager le déploiement de soldats de la paix russes dans la zone de conflit. Car sinon, nous ne verrons aucune action concrète pour éviter une crise humanitaire.

WION - Concernant le rôle de la Turquie. Vous avez noté que la Turquie a commis de nombreuses violations des droits de l'homme au cours de ce conflit. Y a-t-il des preuves concrètes?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Voulez-vous dire la participation de la Turquie? Oui, bien sûr, il y a des preuves et des justifications concrètes, et je tiens à dire que cette guerre était une continuation des exercices militaires conjoints de la Turquie et de l'Azerbaïdjan, qu'ils ont commencé en août. La Turquie ne cache pas son implication à ce processus: des hauts responsables turcs ont déclaré soutenir l'Azerbaïdjan sur le champ de bataille, ainsi que des représentants des forces armées turques et des équipements militaires turcs, en particulier des drones Bayraktar, dont une dizaine ont déjà été abattus par les forces d'autodéfense du Haut-Karabakh, indiquent que la Turquie est directement impliquée dans ce processus. Et il existe également des preuves que la Turquie recrute des mercenaires et des terroristes en Syrie et les déploie dans la zone de conflit. Ceci est démontré par des dizaines de faits que nous avons rassemblés et présentés à la communauté internationale et aux structures internationales. Et, en passant, je voudrais également noter que sur la base de notre demande, la Cour européenne des droits de l'homme a statué que la participation de la Turquie à ce processus est considérée comme avérée.

WION - Des terroristes pakistanais sont impliqués dans la zone de conflit, la Turquie continue d'envoyer des militants syriens se battre aux côtés de l'Azerbaïdjan. Le vice-président turc a récemment annoncé qu'il était prêt à fournir une assistance militaire à l'Azerbaïdjan si une telle demande était reçue. L'Arménie est-elle prête à affronter les forces armées turques si elles s'impliquent ouvertement dans le conflit?

Premier ministre Nikol Pashinyan - En fait, ils sont déjà impliqués et l'armée de défense du Haut-Karabakh s'oppose toujours à ces forces. Mais je le répète encore une fois: cette guerre est imposée au peuple du Haut-Karabakh, il n'a d'autre choix que de défendre sa vie et ses droits, jusqu'au moment où la communauté internationale prend des mesures concrètes pour arrêter cette guerre et cette violence.

WION - Dans votre interview précédente, vous avez mentionné que les Arméniens du Haut-Karabakh font face à une menace existentielle. En particulier, vous avez comparé le président Erdogan à Hitler et l'avez accusé de génocide. Cependant, la communauté internationale ne semble pas réagir. Quelles sont vos prochaines actions?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Je crois que ce qui se passe dans le Haut-Karabakh et la présence de la Turquie est une continuation de la politique génocidaire de la Turquie envers les Arméniens. Vous savez qu'au début du XXe siècle, en particulier en 1915, le génocide arménien a eu lieu en Turquie ottomane, qui a déjà été officiellement reconnue par de nombreux pays du monde, et à la suite de cela, le nettoyage ethnique a eu lieu dans de très vastes territoires. Et maintenant je crois que la Turquie est retournée dans le Caucase du Sud cent ans plus tard pour poursuivre sa politique de génocide contre les Arméniens. Cela a un objectif pragmatique concret. Parce que les Arméniens du Caucase du Sud sont le dernier obstacle sur la voie de la Turquie pour poursuivre la politique impérialiste au sud, à l'est et au sud. Et dans ce contexte, oui, le peuple du Haut-Karabakh est confronté à une menace existentielle, et nous pensons que la manière la plus correcte et la plus pragmatique de résoudre le problème  et assurer la sécurité des Arméniens du Haut-Karabakh est l’application du principe de « sécession remède».  

WION - Pouvons-nous dire que l'Arménie s'est trouvée dans l'arène d'une guerre indirecte et médiatisée entre la Turquie et la Russie?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Non, je ne peux pas dire cela, étant donné que la Russie n'est pas impliquée dans la guerre et que la Russie agit en tant que pays coprésident du groupe de Minsk de l'OSCE. Le Groupe de Minsk de l'OSCE est le seul format internationalement reconnu dans lequel la question du Karabakh devrait être discutée et résolue. La Russie, oui, est un partenaire stratégique de l'Arménie, mais elle ne participe pas à la guerre. Elle, en tant que coprésidente du Groupe de Minsk de l'OSCE, participe activement en tant que médiateur pour le règlement du problème du Karabakh, l'instauration de la paix et de la stabilité dans la région.

WION - La Russie a tenté de servir de médiateur pour la paix, puis le secrétaire d'État américain Mike Pompeo a proposé une initiative de médiation, initiant des réunions avec les ministres des Affaires étrangères de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan. Ainsi, deux tentatives de médiation et aucun résultat.

Premier ministre Nikol Pashinyan - Je pense que les coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE devraient unir leurs efforts pour résoudre le problème et ne pas proposer d'initiatives distinctes. Et je pense que dans cette situation, il serait juste que les pays coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE - les États-Unis et la France  soutiennent les efforts de maintien de la paix de la Russie et n'essayent pas de proposer des initiatives de paix distinctes. De plus, la Russie, proche et présente dans la région, a un effet de levier plus actif sur la situation.

WION - Cela signifie-t-il que vous ne participerez pas au processus de paix initié par Washington?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Bien sûr, nous participons. Notre ministre des Affaires étrangères est déjà à Washington et rencontrera aujourd'hui le secrétaire d'État américain Mike Pompeo (entretien a eu lieu le 23 octobre - éd.). Je viens d’énoncer notre position selon laquelle les coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE devraient aller dans une direction et non dans des directions différentes.

WION - L'année dernière, vous avez visité le Haut-Karabakh et déclaré que le Haut-Karabakh est l'Arménie. Le Haut-Karabakh n'est pas reconnu par l'ONU. Pensez-vous que la communauté internationale vous soutiendra?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Nous devons d'abord connaître l'histoire du conflit du Haut-Karabakh. L'étape actuelle du conflit du Haut-Karabakh est apparue en 1988 lors du processus de démocratisation en Union soviétique lorsque Mikhail Gorbatchev a lancé le processus de «perestroïka». La «perestroïka» impliquait la démocratie. Les Arméniens du Haut-Karabakh, qui ont toujours constitué plus de 80% de la population de cette région, ont décidé d’exercer la possibilité de restaurer leurs droits violés. Quels droits ont été violés? Le fait est que dans la période de création de l'Union soviétique, le Haut-Karabakh, avec plus de 80% de population arménienne, a été remis à l'Azerbaïdjan soviétique et non à l'Arménie soviétique. C'était une conséquence d'une décision arbitraire de Staline. En 1988, les Arméniens du Haut-Karabakh ont lancé un processus pacifique. En conséquence, le Parlement du district autonome du Haut-Karabakh a adopté une décision sur la réunification avec l'Arménie. Et le peuple arménien a considéré cette décision historique parce que le Parlement arménien a également adopté une décision similaire. Quant à la communauté internationale, je pense que la communauté internationale devrait reconnaître ces faits, et le fait le plus important ici est qu'aujourd'hui le Haut-Karabakh mène une guerre contre les terroristes internationaux. Et en ce sens, le Haut-Karabakh mène une guerre contre le terrorisme international. Il se situe à la pointe de la civilisation. Et je pense que la communauté internationale devrait appliquer le principe de de « sécession remède».

WION - Vous attendez-vous à ce que l'Inde soutienne votre position sur le Haut-Karabakh? Quel type de soutien attendez-vous de New Delhi?

Premier ministre Nikol Pashinyan - J'ai déjà dit ce que j'attends de la communauté internationale et des autres représentants, y compris New Deli, qu'ils reconnaissent que la Turquie a organisé le transport de terroristes et de mercenaires vers l'Azerbaïdjan et que sans la Turquie, cette guerre ne commencerait pas. Reconnaître que cette guerre a été déclenchée par la Turquie, une organisation terroriste et l'Azerbaïdjan et de reconnaître que le Karabakh est confronté à une menace existentielle et à un génocide, et de considérer que le principe de « sécession remède» est applicable au Haut-Karabakh dans ce contexte, et de reconnaître son indépendance.

WION - Combien de temps pensez-vous que cela va continuer? Je voudrais revenir là où j'ai commencé, les efforts de cessez-le-feu ont échoué, les efforts de paix n'ont pas réussi. Pour combien de temps de guerre ou d'affrontement êtes-vous préparé?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Les Arméniens du Haut-Karabakh, comme je l'ai dit, se battront jusqu'au bout pour défendre leur sécurité, mais j'espère que nos efforts diplomatiques aideront à arrêter la guerre le plus tôt possible.

WION - Monsieur le Premier ministre, merci beaucoup d'être avec nous.

Premier ministre Nikol Pashinyan - Merci également.



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