Entretien du Premier ministre à RTS

Armenpress 16:12, 16 Octobre, 2020

EREVAN, 16 OCTOBRE, ARMENPRESS. Le Premier ministre Nikol Pashinyan a accordé un  entretien à la chaîne de télévision suisse RTS, répondant à des questions liées à l'agression turque azerbaïdjanaise au Haut-Karabakh. "Armenpress" a reçu le texte intégral de l'interview du Département de l'information des relations publiques du cabinet du Premier ministre, qui est présenté ci-dessous.

Le Premier ministre Nikol Pashinyan a accordé un  entretien à la chaîne de télévision suisse RTS, répondant à des questions liées à l'agression turque azerbaïdjanaise au Haut-Karabakh.

RTS - Quelle est la gravité de la situation humanitaire dans le Haut-Karabakh? Le CICR parle de centaines de milliers de personnes affectées en deux semaines de combat.

Premier ministre Nikol Pashinyan - La situation est plus que grave. Des hostilités de grande ampleur sont en cours. Même les experts militaires parlent d’hostilités sans précédent au 21e siècle, au vu de tous les armements utilisés, que ce soient des chars, des blindés, des drones, même des avions, des hélicoptères et également un grand nombre de troupes.

Il est aussi important de noter que l’Azerbaïdjan, avec le soutien de la Turquie et de terroristes, a attaqué dès les premiers jours le Haut-Karabakh en bombardant des villes et des villages. Après dix jours, il était évident qu'il n'y aurait pas de trêve. L’armée de défense du Haut-Karabakh a donc été obligée de prendre certaines mesures pour minimiser au moins un peu le bombardement des zones civiles.

RTS - Le cessez-le feu n’a pas tenu. Dans les deux camps, des civils ont été tués. Quels compromis l’Arménie est-elle prête à faire pour que les combats cessent?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Ce n’est pas que le cessez-le-feu n’a pas tenu, c’est qu’il n’a même pas été acté. Parce qu’au moment même où il devait entrer en vigueur, l’Azerbaïdjan a lancé de nouvelles attaques. En ce qui concerne les compromis, l’Arménie a toujours été prête à en faire. Mais des concessions doivent être faites des deux côtés. L'Azerbaïdjan n'a jamais été prêt à faire des compromis. C'est la raison pour laquelle cette situation évolue ainsi. Aujourd’hui, l'Azerbaïdjan est encore moins disposé à en faire. Notamment parce que la Turquie gère le processus. Pour la Turquie, ce n'est pas simplement la question du Haut-Karabakh. Ce qui se passe est la conséquence d’une politique turque expansionniste et impérialiste. Les Arméniens du Sud Caucase sont le dernier obstacle sur son chemin vers l’est et le sud-est.

Selon moi, il est très important de noter que la situation est sortie du cadre du conflit dans le Haut-Karabakh. Elle est entrée dans une logique beaucoup plus large. Il faut la replacer dans la politique que mène la Turquie dans le Sud de la Méditerranée, en Libye, en Syrie, et également dans le contexte de ses relations avec la Grèce et Chypre.

 RTS – Les arméniens, en plus du Haut-Karabakh, contrôlent aussi sept autres cantons azerbaïdjanais. C’est comme une zone tampon, qui a été vidée de sa population. Est-ce que vous seriez prêts à rendre ces 7 autres cantons, pour obtenir un règlement politique sur le Haut-Karabakh?

Premier ministre Nikol Pashinyan- Vous savez, je suis le Premier ministre de la République d’Arménie et non celui du Haut-Karabakh, et il est primordial de prendre en considération les décisions des dirigeants élus du Haut-Karabakh. Concernant la question territoriale, je voudrais souligner le fait que le camp arménien était prêt à des compromis et à signer les accords proposés en 2011 dans le cadre des négociations de Kazan.

Le problème est que maintenant, l’Azerbaïdjan s’est donné pour objectif, avec l’aide de la Turquie et de mercenaires syriens, de prendre le contrôle de l’entiéreté du territoire du Haut-Karabakh et de le débarrasser du contrôle des Arméniens. Et le camp arménien, je le répète, était prêt à conclure un accord en 2011. Mais c’est l’Azerbaïdjan qui a l'a refusé, car il s’est dirigé vers une solution militaire.

RTS  - Vous dites qu’il y a des mercenaires syriens dans le Haut-Karabakh. La Turquie et l’Azerbaïdjan disent que non. Quelles sont les preuves concrètes dont vous disposez?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Les preuves ont été déjà publiées. Des logiciels spéciaux ont permis d’analyser des vidéos et de géolocaliser les lieux où les images ont été tournées, sur le front, pendant les hostilités. Les terroristes syriens eux-mêmes ont tourné ces vidéos qui remplissent le web. C'est quelque chose de prouvé, qui a été officiellement reconnu par la Russie, par la France et d'autres pays.

Pour moi, il est très important que la communauté internationale constate clairement l'attaque azerbaïdjanaise sur l'Arménie. Parce que c'est une violation de l'un des principes les plus importants du droit international, qui consiste à dire que dans le contexte du règlement du Haut-Karabakh, on ne peut pas user de force ou de menace. Mais l'Azerbaïdjan a usé de la menace méthodiquement, elle use de la force maintenant. Avec l'implication de la Turquie et des terroristes internationaux.

 RTS  – Qu’attendez-vous de la Suisse? Et êtes-vous déçu de certains pays occidentaux?

Premier ministre Nikol Pashinyan -Vous savez, le problème est qu'aujourd'hui le Haut Karabakh se trouve au seuil d’une crise humanitaire. Dernièrement, lorsqu’une frappe de dissuasion a été effectuée par l'Armée du Haut-Karabakh sur la ville de Ganja en Azerbaïdjan, les Azerbaïdjanais ont organisé une visite des représentants étrangers dans cette région pour montrer ce qui s’y passe.

Mais, jusqu'à aujourd'hui, aucun représentant officiel n’a visité le Haut Karabakh, n’a visité sa capitale Stepanakert pour voir les conséquences des bombardements. Dix-neuf jours que cela dure, avec des dégâts sur les infrastructures civiles, des immeubles détruits. Seuls quelques journalistes étrangers sont venus, mais pas de représentants diplomatiques étrangers.

Qu'est-ce qu'on attend de la Suisse? Dernièrement le Conseil municipal de la ville de Genève a pris une résolution très symbolique pour dire que le principe d’autodétermination était applicable dans ce cas. C'est-à-dire que certains peuples puissent demander leur indépendance lorsqu’ils ne peuvent simplement pas survivre sous le contrôle d’un Etat tiers.

Ce que j’attends de la Suisse est donc de reconnaître que la Turquie a transféré des mercenaires et certaines de ses troupes en Azerbaïdjan, suite à quoi celui-ci a déclenché les hostilités. Les habitants du Haut-Karabakh traversent une crise humanitaire et existentielle que la communauté internationale devrait prendre en compte.

Dans le cas contraire, le peuple du Haut-Karabakh sera victime d’un génocide, et je pèse bien mes mots. Aucun Arménien n'y restera si c’est l’Azerbaïdjan qui prend le contrôle de cette région, alors que tout au long de son histoire plus de 80% de ce territoire était peuplé d'Arméniens. Aujourd'hui ils risquent de perdre leur patrie, leur maison. Donc j’attends de la communauté internationale de reconnaître leur indépendance pour les sauver.

RTS – Vous êtes liés à la Russie par un traité de sécurité collective. L’Azerbaïdjan a annoncé mercredi avoir frappé pour la première fois le territoire arménien. Quel doit-être le rôle de la Russie? Est-ce que vous aimeriez plus de soutien de la part de Moscou?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Nous sommes en consultation permanente avec nos partenaires russes, y compris dans le cadre de ce traité de sécurité collective. Il y a déjà eu des déclarations claires que, si la situation se détériore, la Russie et l'Organisation du traité de sécurité collective vont tenir leurs engagements envers l'Arménie.

Mais je pense que la Russie a un plus grand rôle à jouer, y compris de restaurer la stabilité et la paix dans la région du Haut-Karabakh, en tant que pays coprésident du Groupe de Minsk de l'OSCE. Je tiens à souligner que, puisque la Russie est la coprésidente la plus proche de notre région, les deux autres coprésidents que sont la France et les États-Unis devraient soutenir la Russie dans ses efforts pour stabiliser la région.



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