EREVAN, 03 JUILLET, ARMENPRESS: C’est un record absolu pour une pièce d’échecs médiévale vendue aux enchères : Sotheby’s Londres a enregistré, le 2 juillet 2019, l’adjudication de 819 000 euros (735 000 livres sterling) pour une figurine en ivoire de morse d’une valeur historique considérable.
Acquise en 1964 à Edinbourg par un antiquaire pour seulement cinq livres sterling, la pièce a été précieusement conservée par son acquéreur, avant d’être héritée par sa fille. Cette dernière, qui ignorait son importance historique, pensait néanmoins qu’elle possédait une quelconque signification mystique. La figurine est ensuite entrée en possession de la génération suivante, qui a décidé de passer les portes de Sotheby’s pour venir s’enquérir de sa valeur.
C’est donc avec la plus grande surprise que les propriétaires actuels ont appris qu’ils détenaient un artefact historique, un Warder, soit une pièce appartenant à un jeu d’échec médiéval norvégien dit de Lewis, populaire aux XIIe et XIIIe siècles. La découverte des échecs de Lewis remonte à 1831, lorsque 93 objets sculptés sont retrouvés sur l’île écossaise du même nom, permettant aux historiens de former quatre « plateaux complets », à l’exception d’un roi et de quatre tours. En plus des 59 figurines, les chercheurs ont découvert 19 pions, 14 pièces plates, et une boucle de ceinture. Parmi les 93 trouvailles, 82 sont aujourd’hui conservées au British Museum à Londres. Les 11 restantes sont visibles au National Museum of Scotland, à Edinbourg.
Selon les experts, ce Warder serait l’une des tours manquantes du jeu de Lewis, et constitue la découverte la plus remarquable d’une pièce d’échecs médiévale depuis celle de 1831.
« C’est l’une des redécouvertes les plus passionnantes et les plus personnelles de ma carrière. C’était un tel privilège de mettre aux enchères ce fragment d’histoire, et de l’exposer à Sotheby’s la semaine dernière – c’était un énorme succès. Lorsque vous tenez ce Warder de caractère dans votre main ou que vous le voyez dans la pièce, il a une présence unique », a déclaré Alexander Kader, directeur du département des Sculptures et Objets d’Art Européens chez Sotheby’s.
Plusieurs théories ont émergé sur l’origine des échecs de Lewis. La plus concluante replace la création du jeu en Norvège, et plus particulièrement à Trondheim, une ville connue pour avoir produit des pièces de jeu sculptées aux XIIe et XIIIe siècles, souvent en ivoire de morse. L’hypothèse selon laquelle le trésor de Lewis aurait été enterré par un marchand après un naufrage a été énoncée pour la première fois au XIXe siècle, et semble être la favorite des historiens.
Considéré comme un symbole de la civilisation européenne, le jeu de Lewis vient de retrouver l’un de ses gardiens, et le marché des enchères vient d’assister à un formidable record de vente. L’identité de l’acheteur est restée confidentielle.
Selon Neil Macgregor, l’ancien directeur du British Museum, « si nous voulons visualiser la société européenne vers l’an 1200, nous ne pourrions mieux faire que d’observer la façon dont ils jouaient aux échecs. Et aucune pièce d’échecs n’offre d’informations plus riches que… les échecs de Lewis ».