Économie

La Chambre de Commerce Arméno-Belge est un pont d'interaction

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La Chambre de Commerce Arméno-Belge est un pont d'interaction

BRUXELLES, 26 AOÛT, ARMENPRESS: À l'initiative de la Chambre de Commerce Belgo-Arménienne, plus d'une douzaine d'hommes d'affaires belges et européens se rendront en Arménie en octobre. 

Dans une interview accordée à la correspondante d'Armenpress à Bruxelles, le président de la Chambre de Commerce et homme d'affaires, Valery Safaryan, a présenté les résultats de vingt années d'activités de la Chambre et des domaines de coopération mutuellement attractifs. 

Selon Safaryan, l'Arménie est aujourd'hui un pays important pour l'Europe et tout doit être fait pour que l'UE le voie. Le Président de la Chambre est convaincu que dans le contexte actuel d'électrification de l'économie, l'Arménie est un acteur crucial et devrait pouvoir se positionner de manière plus stratégique.

L'un des objectifs clés de la chambre, fondée avec de grandes ambitions, est de positionner la Belgique comme un partenaire commercial majeur pour l'Arménie. Après vingt ans d'activité, quel bilan pouvons-nous en tirer ?

L'initiative a été lancée suite à une discussion que j'avais eue à l'époque avec l'ambassadeur Vigen Chitechian. Il estimait que la diaspora arménienne en Belgique, dont je fais partie, pouvait représenter l'Arménie sous un angle différent, en allant au-delà des questions sensibles comme le Génocide arménien ou le Karabakh, et en mettant en avant des sujets plus positifs, notamment économiques. Le grand défi pour l'Arménie aujourd'hui reste, à mon avis, de convaincre les Européens de son importance en tant que partenaire et pays clé, en soulignant que la survie de l'Arménie est cruciale pour l'Europe. Cela nécessite, selon moi, un renforcement des échanges économiques et une interaction accrue entre les entreprises.

En fin compte, l'économie joue un rôle central dans notre société actuelle. Bien que cette affirmation soit assez générale, elle se précise dans le contexte d'une discussion que nous avions eue à l'époque avec l'ambassadeur Vigen Chitechian et Tigran Balayan, qui était alors deuxième secrétaire à l'ambassade et est aujourd'hui notre ambassadeur d'Arménie en Belgique. De cette conversation est née l'idée de créer une chambre de commerce. J'avais 24 ou 25 ans à l'époque, et bien que nos ambitions étaient grandes, il a fallu construire tout un réseau à partir de zéro. Nous devions apprendre à connaître les institutions belges qui dynamisent les relations économiques entre la Wallonie, la Flandre, Bruxelles et l'international. Ce fut un long processus. Les premières années ont été marquées par des missions exploratoires, car les entreprises belges avaient une connaissance très limitée du marché arménien. D'ailleurs, même la diplomatie belge avait une vision floue de l'Arménie sur le plan économique, bien que ce fût différent sur le plan politique. Les premières missions visaient donc principalement à accompagner des entreprises de divers secteurs, qui, pour être honnête, cherchaient davantage à vendre des produits qu'à investir. Par la suite, nous avons cherché à affiner les projets sur lesquels les entreprises wallonnes et flamandes pouvaient jouer un rôle pertinent dans l'économie arménienne, que ce soit dans l'accompagnement, le développement des infrastructures, le traitement de l'eau ou l'énergie. Nous avons ainsi vu des entreprises importantes s'impliquer et d'autres signer des contrats. D'autres sociétés belges, déjà en contact avec l'Arménie, ont également bénéficié de ces missions.

La Chambre de commerce a principalement servi d'intermédiaire pour faciliter les contacts, mais n'a pas joué un rôle central au début, car l'intérêt était déjà présent, notamment grâce à une entreprise arménienne qui s'était rendue en Belgique. Cela a marqué les cinq à dix premières années de son existence. Par la suite, l'Arménie a exprimé son désir de renforcer ses relations avec l'Union européenne, notamment dans le cadre de l'accord de libre-échange approfondi et complet (DCFTA). À ce moment-là, les choses ont vraiment pris de l'ampleur : le gouvernement arménien a envoyé un attaché du ministère de l'économie à Bruxelles, ce qui nous a permis de nous appuyer sur ses connaissances expertes de l’écosystème arménienne  pour organiser des rencontres avec des entreprises et des conférences. Cette période a été la plus dynamique pour la Chambre.

Malheureusement, le gouvernement de Sarkissian a décidé de ne pas poursuivre l'accord économique avec l'UE et a opté pour l'intégration à l'Union eurasiatique. Ce choix, vu de ma perspective d'Européen, a marqué une rupture, car à partir de 2012-2014, cette décision a clairement freiné la dynamique de rapprochement économique entre l'Arménie et la Belgique. Sur un plan personnel, j'ai déménagé en Afrique en 2014 pour quelques années, ce qui a ralenti les activités de la Chambre, même si elle n'était pas centrée sur ma personne, j'en étais tout de même un moteur. À mon retour, nous avons été confrontés aux années COVID, durant lesquelles la Chambre a continué ses activités, mais à un rythme plus modeste. Pendant les dix premières années, nous avons accompagné environ 200 entreprises belges. En 2023, nous avons participé à une mission multisectorielle en Arménie avec l'Agence wallonne à l'exportation.

Comme vous l'avez mentionné, l'Arménie est membre de l'Union économique eurasiatique. Dans quelle mesure cette adhésion freine-t-elle actuellement la coopération commerciale entre l'Arménie et la Belgique ? Et dans quelle mesure l'Arménie reste-t-elle attractive d'un point de vue commercial ?

C'est une question difficile, car depuis la guerre en Ukraine, il est devenu très compliqué de promouvoir un marché qui inclut la Russie et la Biélorussie, des pays qui ne sont clairement plus considérés comme des partenaires de l'Union européenne. Positionner l'Arménie comme une porte d'entrée vers la Russie ou la Biélorussie ne me semble pas être une stratégie judicieuse.

Quel est l'impact de l'Arménie au sein de l'Union eurasiatique ? Je pense qu'il faut l'analyser de manière plus globale, car la perspective de la Chambre de commerce belgo-arménienne n'est pas déterminante à ce niveau. Il est certes intéressant de savoir qu'à partir de l'Arménie, il est possible de travailler avec le Kazakhstan, mais encore une fois, a-t-on vraiment besoin de passer par l'Arménie pour faire affaire avec le Kazakhstan ? Je ne suis pas convaincu, car d'un point de vue géographique, cela manque de cohérence.

Si l'entrée du marché belge en Arménie est importante pour les entreprises belges, on peut supposer que l'entrée des entreprises arméniennes sur le marché belge l'est tout autant. Y a-t-il des résultats concrets à cet égard, et si oui, dans quels secteurs ?

Il y a quelques résultats notables. Tout d'abord, il existe un flux important dans le secteur diamantaire, ce qui assez évident.  Si l'on examine les échanges économiques et la balance commerciale entre la Belgique et l'Arménie, ils sont encore largement dominés par l'industrie du diamant. Cependant, la Chambre de commerce n'y a joué aucun rôle, car ces relations existaient déjà dès l'indépendance de l'Arménie, bien avant la création de la Chambre, en grande partie grâce à la diaspora arménienne active à Anvers et au fait que l'Arménie était déjà un acteur de référence dans le sertissage et d'autres domaines.

En ce qui concerne les exportations arméniennes vers la Belgique, deux éléments sont à souligner. Premièrement, dans l'industrie agroalimentaire, l'Arménie commence à exporter du vin, et des grossistes belges commencent à distribuer du vin arménien. Cela montre que les viticulteurs arméniens ont réussi à établir des partenariats intéressants.

Pour moi, l'essentiel est de faire comprendre à l'Europe que l'Arménie est un pays crucial pour elle, et que la survie de l'Arménie, qui fait face à une menace existentielle aujourd’hui, est d'une importance capitale. Un point clé à souligner est que l'Arménie possède des atouts stratégiques, notamment dans le domaine des semi-conducteurs et de puces électroniques, un secteur qui a cruellement manqué durant la période du COVID. Par exemple, Siemens emploie plus de 300 ingénieurs en Arménie, et Synopsis en compte plus de 1500. Cela montre clairement que l'Arménie est en avance sur de nombreux pays européens dans ce domaine si crucial pour l'économie moderne. Elle est donc un partenaire fiable et important pour l'Union européenne, notamment pour les technologies essentielles à l'économie verte. Les entreprises belges devraient également être sensibilisées à cette réalité.

Quels secteurs sont mutuellement les plus attractifs pour les investisseurs ?

Commençons par un secteur classique : le tourisme. Il est crucial d'améliorer encore la promotion de ce secteur en Belgique. Bien que de nombreux Belges aient déjà visité l'Arménie, celle-ci n'est pas encore suffisamment mise en valeur sur le plan touristique. Pourtant, l'Arménie dispose d'infrastructures hôtelières adéquates et il est facile de s'y rendre. Et cette promotion doit se faire réciproquement. Grâce à la diaspora arménienne en Belgique, un nombre significatif d'Arméniens visitent la Belgique, mais probablement pas assez. Une meilleure promotion des attraits culturels et touristiques de la Belgique pourrait attirer plus de visiteurs arméniens.

En ce qui concerne la Belgique, un point important à signaler à l'Arménie est l'opportunité commerciale en Afrique, un continent souvent négligé par les entreprises arméniennes. La Belgique, grâce au port d'Anvers et à son aéroport qui propose des connexions journalières vers presque toutes les capitales francophones d'Afrique de l'Ouest, d'Afrique centrale, et même anglophone, constitue une porte d'entrée logistique, clé vers l'Afrique. De plus, la Belgique a signé une convention de double imposition avec la République démocratique du Congo, rendant les investissements fiscaux particulièrement attractifs. Une meilleure communication sur ces avantages est donc essentielle pour que les entreprises arméniennes en prennent pleinement conscience.

Vous emmènerez bientôt un nouveau groupe d'hommes d'affaires belges et européens en Arménie. Qu'est-ce qui motive les participants et quelles sont vos attentes ?

Tout d'abord, après des discussions avec l'ambassadeur de Belgique, Eric de Muynck, et l’ambassadeur d’Arménie, Tigran Balayan, nous avons décidé de tirer parti de la présence d’un ambassadeur sur place, ce qui facilite l'accueil des entreprises dans un cadre diplomatique plus structuré, contrairement à une situation où il n'y aurait aucune représentation diplomatique.

Ensuite, nous souhaitons capitaliser sur le succès de la conférence WCIT, qui attire des exposants de plus de 80 pays. Notre objectif est d'assurer une visibilité à la Belgique lors de cet événement. Le groupe comprendra une douzaine de personnes, dont certaines sont directement actives dans le secteur des technologies de l'information, tandis que d'autres sont conférenciers, professeurs d'université, ou spécialistes de l'intelligence artificielle. Nous nous inscrivons dans cette dynamique, en reconnaissant l'Arménie comme une plateforme de développement technologique de plus en plus reconnue à l'international.

Notre objectif est d'amener des entreprises susceptibles d'établir des partenariats avec des sociétés arméniennes. Nous élargissons également notre perspective au-delà de la Belgique, en invitant notamment un administrateur directeur de Tefax, une société belge cotée en bourse, mais dont les actifs sont majoritairement en Afrique, et qui se distingue par son activité dans le développement immobilier pour expatriés.

Pendant notre séjour en Arménie, nous assisterons à la conférence WCIT, mais nous organiserons également des visites en dehors du cadre de la conférence, notamment à des institutions comme FAST,  TUMO et Picsart, afin d'offrir aux entreprises une vision plus complète de l'écosystème arménien.

Vous avez exprimé la conviction qu'un projet similaire au Benelux pourrait réussir dans le Caucase du Sud, impliquant l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie. Croyez-vous toujours en cette possibilité ?

Bien sûr à  ce stade, cela reste une Illusion, presque utopique, surtout compte tenu des déclarations décevantes du président Aliyev. Pourtant, je suis convaincu qu'il n'y a pas d'autre solution durable pour cette région. L'initiative d'ouvrir les frontières avec la Turquie est, à mon avis, essentielle, car les échanges économiques et la dépendance mutuelle réduisent les risques de conflit, ou du moins rendent les conflits plus complexes. Le jour où l'Arménie exportera de l'électricité vers l'Azerbaïdjan, et que l'Azerbaïdjan vendra du gaz à l'Arménie, créant ainsi une relation de fournisseur à client, les tensions devront nécessairement diminuer. On ne peut pas entretenir des relations conflictuelles avec ses propres clients. Même si aujourd'hui il est difficile d'imaginer un dialogue avec Bakou, je crois fermement qu'il n'y a pas d'autre voie.

Un autre obstacle est la manière dont l'Arménie est perçue, notamment par la Turquie et l'Azerbaïdjan, qui la considèrent comme un pays petit et pauvre… Le problème ne réside-t-il pas aussi dans la perception de l'Arménie, notamment par la Turquie et l'Azerbaïdjan, qui la considèrent comme un pays pauvre et petit ?

C’est exact, et cela relève également d’un problème de marketing pour l'Arménie, qui souffre d’un manque de positionnement et de communication efficaces. Par exemple, le fait qu'il y ait 1 500 ingénieurs de Synopsis en Arménie est significatif, car cela montre que le pays est un acteur majeur dans la conception de puces électroniques. Dans le contexte actuel d'électrification de l'économie, ce type d'expertise est crucial. L'Arménie doit donc parvenir à se positionner de manière plus stratégique.

 

Lilit Gasparyan

AREMNPRESS

Arménie, Erevan, 0002, Martiros Saryan 22

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